En télétravail, que faire pour éclaircir cette frontière devenue floue, entre travail et foyer ? Retrouver un peu de la temporalité de la vie d’avant ? La psychologue Émilie Vayre dresse le décor.
Le télétravail, devenu la norme pour beaucoup, a des conséquences, notamment en rendant floue la frontière entre vie professionnelle et vie privée. Émilie Vayre, professeure en psychologie du travail et des organisations (laboratoire Greps, institut de psychologie) à l'université Lumière Lyon 2, détaille les problèmes engendrés par ce mode de travail.
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En ces temps de couvre-feu, peut-il y avoir une vie après le télétravail ? Psychologiquement, décompresser, quand travail et chez soi logent au même endroit, s’impose-t-il avec autant de force ? Pourquoi?
Être capable de faire la coupure, de récupérer après une journée de travail, participe à la préservation de la santé psychique et physique. Avec le télétravail, la frontière entre vie professionnelle et vie privée est plus floue. On peut avoir le sentiment de ne plus quitter le bureau, surtout si l’on ne dispose pas d’un espace dédié et isolé au domicile.
Or, ne pas arriver à se détacher psychologiquement du travail, avoir le sentiment que le travail est omniprésent, que l’on ne peut plus le contenir, qu’il envahit notre vie personnelle peut générer du stress et être source de tensions au sein de la cellule familiale.
Les études montrent que les télétravailleurs travaillent plus et plus longtemps. Ils ont des difficultés à aménager des temps de pause dans la journée (...) Ils ont aussi des difficultés à s’arrêter à la fin de la journée de travail, ont tendance à surinvestir le travail, parfois jusqu’à épuisement.
Sur la journée, le télétravail redistribue les cartes de la temporalité et de ce qui, en entreprise, peut le scander : trajets, échanges avec les collègues, réunions, pauses. À quoi la perte de ces rythmes expose-t-elle les salariés ?
Le télétravail implique en effet une perte des repères temporels et sociaux habituels qui rythment la journée de travail mais qui marquent aussi la distinction entre le travail et le hors-travail.
Les études du domaine montrent que les télétravailleurs travaillent plus et plus longtemps. Ils ont des difficultés à aménager des temps de pause dans la journée et sont, de ce fait, plus longuement exposés à certains risques professionnels associés au maintien prolongé de leur posture et au travail sur écran. Ils ont aussi des difficultés à s’arrêter à la fin de la journée de travail, ont tendance à surinvestir le travail, parfois jusqu’à épuisement.
Audioconférences, visioconférences... : ces modes virtuels d’échange ne deviennent-ils pas, à l’usage, des échanges virtuels ? Le ressenti d’isolement, de perte de lien a des conséquences psychologiques sur le salarié : lesquelles ?
Lorsque l’on travaille à distance, les échanges sont moins nombreux et surtout plus formels. On peine à trouver ou retrouver des moments de partage et de convivialité. On côtoie aussi moins de personnes, les interactions étant centrées sur l’équipe de travail.
Or, la qualité des relations au travail, la cohésion au sein des collectifs, l’instauration de formes soutiens sociaux sont indispensables à l’épanouissement professionnel, à la qualité de vie au travail et à la construction de la santé au travail. La sédentarité propre au télétravail et l’isolement social qu’elle implique, en particulier en cette période de crise, renforcent cet isolement professionnel et fragilise les télétravailleurs.
La version originale de cet article a été publiée sur lejdc.fr
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