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Covid-19. Un employeur peut-il imposer une réunion en présentiel à ses salariés ?

Dernière mise à jour : 26 avr. 2021

Pour éviter les risques de propagation du coronavirus, le ministère du Travail exhorte les entreprises à instaurer le télétravail dans la mesure du possible. Mais l’absence de contours juridiques ouvre la porte à toutes sortes de dérogations pour les employeurs, suscitant des crispations. C’est notamment le cas pour des salariés à qui l’on demande d’être en présentiel à une simple réunion.


réunion en présentiel employés et employeur
Crédit photo : Campaign creators sur Unsplash

« Mon employeur refuse de faire les réunions d’équipes en visio ? Il veut du présentiel. En sachant que le gouvernement impose le télétravail ? Qu’en est-il des réunions ? » La question que nous pose Alexandra témoigne du flou juridique qui entoure le télétravail.

Le gouvernement estime que le télétravail doit être une « obligation » dans la mesure du possible et que le temps de travail effectué en télétravail doit être porté « à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance », peut-on lire sur le site du ministère du Travail. Valérie Gilbert, juriste spécialisée en droit du travail, précise toutefois qu’il « ne s’agit pas d’une obligation légale, mais d’une recommandation du gouvernement. Aucun décret ni règlement n’obligent un employeur à un recours systématique et massif au télétravail ».

Quel cadre juridique ?

Depuis 2012, le Code du travail permet de formaliser le télétravail via un accord collectif entre les représentants du personnel et les employeurs, une charte de télétravail, ou un avenant au contrat du travail. « Avant la crise du Covid, on pouvait poser les règles du fonctionnement de télétravail et notamment celle de dire quand est-ce qu’on pensait qu’il était nécessaire que la personne, si elle est en télétravail, vienne à une réunion en présentiel », explique Charles Philip, avocat associé du cabinet Racine, spécialiste en droit du travail. « C’est-à-dire qu’on mettait « noir sur blanc » le mode de fonctionnement du télétravail ».

Il constate toutefois que « des règles sont venues s’imposer aux entreprises, mais sans le caractère impératif, c’est-à-dire sans la notion d’accords collectifs, de contrat de travail, ou de charte élaborée en matière de télétravail ». Ces règles, il s’agit du protocole national proposé par le ministère du travail pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19. Il ne s’agit pas d’une loi, mais d’un ensemble de recommandations.

Un juste équilibre

Il faut savoir qu’un employeur détient avant tout un pouvoir de direction qui l’autorise à exiger d’un employé d’être présent à une réunion.

En revanche, si les recommandations du gouvernement n’ont pas de valeur juridique, « l’employeur a une obligation légale, inscrite à l’article L. 4 121-1 du Code du travail, d’assurer la sécurité et de protéger la santé de son personnel », rappelle Valérie Gilbert. Un employeur doit donc s’assurer que les mesures de précaution sanitaires seront mises en place. « Les réunions en présentiel doivent garantir les conditions de sécurité : distanciation, gestes barrières, mise à disposition de masques, désinfection des locaux et matériels… », précise la juriste. Par ailleurs, l’employeur doit justifier la nécessité de la présence des employés. « Il faut pouvoir le justifier, par exemple pour des raisons de confidentialité, de sécurité des informations ne devant être divulguées, et que l’usage de l’outil collaboratif pourrait mettre à mal » , indique Valérie Gilbert.

Quels recours possibles ?

Les inspecteurs du travail ont été appelés à renforcer les contrôles sur la mise en œuvre du télétravail et à vérifier si les entreprises respectent les mesures de précaution sanitaires.

« Concrètement, un inspecteur du travail, qui constate des salariés en présentiel, alors même que leur fonction est compatible avec le télétravail, peut relever le manquement de l’employeur à son obligation de santé et sécurité et rédiger une lettre d’observations rappelant la règle en vigueur (l’obligation de santé et sécurité) et indiquant à l’employeur les dysfonctionnements à régulariser », explique Valérie Gilbert. « Le directeur régional du travail peut adresser à l’employeur défaillant une mise en demeure de respecter son obligation dans un certain délai. À défaut, l’inspecteur du travail peut saisir le juge des référés pour faire cesser le risque », poursuit-elle.

Par ailleurs, si un salarié estime que les mesures déployées par son employeur ne sont pas suffisantes pour assurer sa sécurité contre les risques de contamination du Covid-19, il peut saisir l’inspection du travail. « Il pourrait aussi exercer son droit de retrait si sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé et qu’il constate une défectuosité dans les mesures de protections mises en place. Mais il est très peu probable que si le salarié bénéficie d’une protection contre le risque de contamination (mais qu’il estime insuffisante) soit autorisé par les juges à exercer son droit de retrait », commente Valérie Gilbert.

Un risque de « retour de bâton »

L’obligation de sécurité de l’employeur implique également une attention particulière à l’isolement de ses salariés au travail. « Il y a presque un retour de bâton », prévient Charles Philip. « Des salariés sont dans une situation de souffrance psychique du fait de l’isolement le télétravail. […] L’employeur doit être vigilant. L’explication du présentiel peut aussi être un moyen de couper court à des périodes très longues d’isolement ». Selon lui, il s’agit de trouver un juste équilibre entre l’intérêt des salariés et l’intérêt de l’entreprise, qui doit surtout s’inscrire dans une logique de dialogue.




La version originale de cet article a été publiée sur La Roche sur Yon ma ville par Ouest France

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