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Télétravail : nouvelles règles et conditions de retour en entreprise

Dernière mise à jour : 1 mars 2021



En cas de télétravail, les employeurs doivent fixer les "règles applicables dans le cadre du dialogue social de proximité, en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l'isolement des salariés en télétravail".

Le télétravail est-t-il encore obligatoire en France en ce début d'année 2021 ? Face aux questions persistantes et à l'évolution de l'épidémie de Covid-19, un nouveau protocole sanitaire a été présenté jeudi 7 janvier par le gouvernement. Alors que le Royaume-Uni a acté un reconfinement à partir du 4 janvier au soir et au moins jusqu'à la mi-février et que le télétravail reste fortement incité en Allemagne, la France ouvre-t-elle la porte à un retour en entreprise ? Le nouveau document détaille certaines nouveautés. "Pour les salariés en télétravail à 100%, un retour en présentiel est possible un jour par semaine au maximum lorsqu'ils en expriment le besoin, avec l'accord de leur employeur", est-il ainsi indiqué.


Ce point fait écho à une réunion tenue lundi entre les partenaires sociaux et la ministre du Travail Elisabeth Borne. Celle-ci assure que des études ont montré que "plus de six salariés sur dix en télétravail à 100 % depuis novembre souhaitent revenir dans l'entreprise au moins une journée par semaine", ajoutant que la "plus de la moitié disent souffrir d'isolement". En novembre, Elisabeth Borne avait annoncé la mise en place d'une plateforme d'écoute et de soutien pour les personnes se sentant isolées. Un numéro vert est disponible, le 0800 13 00 00.


Pas question toutefois d'un retour plus important et généralisé. Le texte dévoilé le 7 janvier 2021 se montre clair, la règle reste le télétravail à 100% pour les entreprises "qui peuvent effectuer l'ensemble de leurs tâches à distance". Même les réunions en présentiel doivent être limitées. "Les réunions en audio ou visioconférence doivent être privilégiées et les réunions en présentiel rester l'exception", la règle voulant que les entreprises limitent "au maximum les interactions sociales sur le lieu de travail". Quant aux moments agréables, pauses café collectives, galette des rois ou autres festivités, le protocole sanitaire se montre également strict. "Les moments de convivialité réunissant les salariés en présentiel dans le cadre professionnel sont suspendus".


Des sanctions contre les entreprises réfractaires au télétravail


Le gouvernement avait progressivement durci le ton face aux entreprises réfractaires : le télétravail doit être la "règle" et non une option pour les employeurs. La ministre du Travail Elisabeth Borne promettait en novembre des sanctions aux entreprises qui n'ont pas pris leurs dispositions quant à leurs salariés pour qui le télétravail est possible à 100%. "Si des salariés ont l'impression qu'ils devraient être en télétravail et qu'ils ne le sont pas (...) ils peuvent saisir l'inspection du travail", avait-t-elle précisé.


Que dit la dernière version du protocole Covid en entreprise sur le télétravail ?


Le protocole mis en place pour accompagner les entreprises dans la lutte contre le coronavirus est publié sur le site du ministère du Travail depuis plusieurs mois. Ce dernier a été actualisé au moment du confinement en mai, puis le 16 octobre avec la mise en œuvre du couvre-feu dans certaines zones et enfin le 29 octobre, à la veille du reconfinement. Il l'a de nouveau été le 6 janvier 2021 via une version actualisée. Pour l'heure, il stipule depuis que "le télétravail est un mode d'organisation de l'entreprise qui participe activement à la démarche de prévention du risque d'infection au SARS-CoV-2 et permet de limiter les interactions sociales aux abords des lieux de travail et sur les trajets domicile travail". "Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l'épidémie, il doit être la règle pour l'ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l'ensemble de leurs tâches à distance", peut-on lire dans le document.


"Dans les autres cas, l'organisation du travail doit permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d'aménager le temps de présence en entreprise pour l'exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail, pour réduire les interactions sociales", est-il écrit. En cas de télétravail, les employeurs doivent fixer les "règles applicables dans le cadre du dialogue social de proximité, en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l'isolement des salariés en télétravail". Dans le cas contraire, ils doivent organiser "systématiquement un lissage des horaires de départ et d'arrivée du salarié afin de limiter l'affluence aux heures de pointe".


Le télétravail est-il vraiment devenu obligatoire ?


Le télétravail est-il vraiment une obligation pour les entreprises désormais ? Le terme a été plusieurs fois répété par la ministre du Travail, mais formellement, ce n'est pas le cas dans les textes.

Comme l'a indiqué le Conseil d'Etat dans un avis daté du 19 octobre, le protocole anti-Covid n'a pas force de loi. Or ni la loi, ni le Code du travail n'ont été modifiés en vue du reconfinement. L'incitation est cependant très appuyée et les cas imposant le télétravail ou à l'inverse le travail "sur site" ont été précisés. Elisabeth Borne a évoqué jeudi 29 octobre trois cas de figure pris en compte pendant ce confinement.


Dans le premier, l'employé qui est en mesure de travailler à distance devra opter pour le télétravail "5 jours sur 5". Pour "ceux qui ne peuvent pas effectuer toutes leurs tâches à distance", il sera possible de se rendre sur le lieu de travail occasionnellement. La ministre du Travail a cité les cas d'"un bureau d'études, d'un ingénieur, d'un technicien ou d'un architecte qui a besoin d'équipements spécifiques pour travailler". Ces activités "sur site" devront être regroupées "pour limiter les déplacements". Dans le troisième cas de figure enfin, la présence sur le lieu de travail est indispensable. Il s'agit des "métiers qui ne peuvent pas être réalisés à distance", comme les commerçants (restant ouverts), les salariés du BTP, les agriculteurs ou "tous les intervenants à domicile".


Il est peu probable de voir émerger des règles plus contraignantes. Il semble difficile en effet pour l'Etat d'interférer dans les contrats de travail. Dans le 20 heures de TF1 récemment, l'option d'une obligation légale était clairement écartée par Carole Vercheyre-Grard, avocate spécialiste en droit du travail, qui l'assimilait à une "violation de la liberté d'entreprendre". "On risquerait d'avoir des levées de boucliers des entreprises, et elles auraient raison : il ne faut pas se couper de la réalité de la pratique des métiers, qui souvent ne peuvent pas s'exercer à distance", poursuivait la spécialiste. Reste que le protocole en entreprise aura une "force importante", a indiqué Elisabeth Borne sur France Info le mardi 27 octobre. A défaut d'obligation explicite, le télétravail devient donc "quasi-obligatoire" là où il peut techniquement être mis en place.


Que dit aujourd'hui la loi sur le télétravail ?


Aujourd'hui, outre le protocole en entreprise, c'est le Code du travail qui fixe la règle en matière de télétravail (articles L1222-9 à L1222-11 du Code du travail). Qu'il soit occasionnel ou régulier, ce dernier doit être décidé via un "accord collectif" ou "dans le cadre d'une charte élaborée par l'employeur, après avis du CSE". Faute d'accord de ce genre, le salarié et l'employeur peuvent formaliser un accord par tout moyen. L'employeur peut refuser d'accorder le télétravail à un salarié mais doit motiver sa réponse.


Un employeur peut-il refuser une demande de télétravail ?


Un employeur peut donc aujourd'hui tout à fait refuser une demande de télétravail d'un salarié. Dans un document diffusé au moment du déconfinement, le ministère du Travail précisait néanmoins que ce refus devra être "motivé". "Depuis le 17 mars et jusqu'à nouvel ordre, le télétravail doit être systématiquement privilégié. L'employeur doit donc démontrer que la présence sur le lieu de travail est indispensable au fonctionnement de l'activité", indiquait alors la fiche. L'employeur doit en outre garantir depuis le déconfinement que "les conditions de reprise d'activité sont conformes aux consignes sanitaires" sur le lieu de travail.

Avec le reconfinement et le discours désormais très clair du gouvernement en faveur d'un télétravail total, sa responsabilité en cas de refus pourrait être engagée.


Un employeur peut-il imposer le télétravail à ses salariés ?


S'il peut refuser le télétravail, l'employeur a aussi le pouvoir de l'imposer à ses salariés. C'est notamment possible, selon le Code du travail, en cas de "circonstances exceptionnelles". Un motif qui peut aisément être invoqué pour le coronavirus et le confinement. L'article L. 1222-11 du Code du travail mentionne d'ailleurs explicitement le "risque épidémique" parmi les motifs pouvant justifier le recours au télétravail. Et ce sans même l'accord du salarié.


Comment s'organise le télétravail dans la fonction publique ?


Le télétravail soulève des questions sur le maintien des services publics et sur les règles qui s'appliquent dans la fonction publique. Après la prise de parole d'Emmanuel Macron le 28 octobre, le scénario était celui du maintien des services publics en période de confinement. Ce qui écarte, de fait, l'option télétravail pour un certain nombre de fonctionnaires en contact avec le public. Jean Castex a précisé la ligne du gouvernement ce jeudi 29 octobre : "Dans les administrations publiques, pour tous les agents dont les missions peuvent être totalement ou principalement exercées à distance, le télétravail se fera 5 jours sur 5". Pour les autres en revanche, l'activité sur site sera maintenue.


Certains cas en appellent à de la pure logique. Les écoles restant ouvertes, les profs devront par exemple assurer les cours en classe et pas à distance comme lors du premier confinement. Difficile aussi pour le personnel soignant de télétravailler dans le contexte actuel. D'autres cas sont plus complexes. Si la fonction publique d'Etat peut suivre des directives nationales, ce n'est pas le cas de la fonction publique territoriale, dépendante des maires, des conseils départementaux, régionaux...


Aujourd'hui, le télétravail dans la fonction publique est régi par le décret n° 2016-151 du 11 février 2016. Mais le 15 octobre, Jean Castex a lui-même demandé à l'administration de mettre en place, comme dans les entreprises, "deux à trois jours de télétravail par semaine". Un déploiement qui s'est avéré difficile, comme en mars et avril, quand l'urgence sanitaire appelait déjà à prendre ses distances avec le bureau. Equipements pas ou peu adaptés, culture managériale dépassée... Un rapport du ministère de la Transformation et de la Fonction publiques, publié fin septembre et dévoilé par Acteurs publics, reconnait que "la crise a été le révélateur d'un manque de préparation du secteur public au travail à distance". Mais il souligne aussi que "l'Etat est parvenu à assurer la continuité de ses missions essentielles".


Une nouvelle séquence de flottement pourrait donc avoir lieu pour les agents, mais aussi les usagers.




La version originale de cet article a été publiée sur Linternaute.com

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